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Cliffhanger : pourquoi cette technique captive-t-elle autant notre attention ?

Immersion dramatique, style cinématographique


C'est une fin de saison, il est suspendu à la falaise, les doigts s'arrachant sur la roche, la poussière sans odeur lacère les poumons. Les doigts glissent millimètre après millimètre, mouvement presque imperceptible.


La caméra recule. Coupure. Générique. Fin d’épisode. C'est ça, utiliser la technique du Cliffhanger. Le réalisateur veut une œuvre dramatique. Et que cela soit la première ou la deuxième, ou la millième fois qu'on emploie la technique : ça marche. Cet instant captive le spectateur. Dans un livre, il vient tenir le lecteur en haleine, qui ne peut plus arrêter de tourner les pages. 


Mais pourquoi aimons-nous tant être suspendus ainsi, au bord du sommet ? Et surtout : comment réussir un bon cliffhanger sans tomber dans le vide ?


Une définition aux multiples facettes


Étymologie anglaise : « suspendu à une falaise »


Le mot cliffhanger vient de l’anglais : « personne suspendue au bord d’une falaise ». Il évoque une fin abrupte qui laisse dans l’attente, suspendu à l’intrigue. 


Dictionnaires et lexiques parlent d’un type de fin non résolue. Mais dans l’usage, sur Internet Movie Database ou dans les critiques de films, un cliffhanger désigne toute scène ou situation qui force à suivre la suite. C'est quand le téléspectateur veut connaître la suite.


Ce procédé narratif est très utilisé dans la saga Mission Impossible (dont le dernier opus est présenté hors compétition à Cannes cette année) 


Il a aussi beaucoup servi dans The Mountain : une odyssée américaine.  Qui nous demande d'attendre la fin du film pour que tout soit résolu. 


Que ce soit dans une série, un tournage de Renny Harlin, une bande dessinée, un jeu vidéo ou une simple page de roman, le cliffhanger est uni à une modification de la perception du temps : il crée du vide, du doute, du désir. Il transforme chaque scène en situation critique, chaque chapitre en falaise narrative. Ce n’est plus juste une fin : c’est un rebondissement calculé pour faire cliquer, tourner la page ou attendre un mois entier.


Équivalents français : suspense ? Fin ouverte ? Cliffhanger intraduisible ?


Ce procédé narratif n'est pas strictement anglais, il fait partie de la nation française depuis les romans-feuilletons du XIXe siècle, et reste utilisé jusqu’aux blockbusters comme Cliffhanger : Traque au sommet  avec Sylvester Stallone, s’est imposé comme le code ultime du suspense, et cela dans le format d'une grosse production comme d'une plus petite.


En langue française, pour ne pas s'écarter de la terminologie anglophone, plusieurs tentatives de traductions ont été faites : « suspense », « fin ouverte », « rebondissement ». Mais aucun nom ne capture vraiment l’essence du cliffhanger. Le terme anglais s’est donc imposé dans l’usage, malgré les suggestions du Trésor de la langue française ou du Journal officiel. On peut considérer ce mot anglais comme un enrichissement de la langue française. 


Un exemple parfait : Cliffhanger (Traque au sommet en version française) réalisé par Renny Harlin. Avec Sylvester Stallone en Gabe Walker, alpiniste chevronné uni à Hal Tucker, et poursuivi par Eric Qualen (qui devait être incarné par David Bowie). Le film ouvre sur une scène culte : une personne suspendue, un héros traumatisé, une falaise, une mort. Tout le Cliffhanger est là, servi par une bande originale de Trevor Jones, et une équipe au sommet (Janine Turner, Michael Rooker, John Lithgow).


Pourquoi le cliffhanger s’est imposé comme un levier narratif incontournable


Une réponse à la bataille pour l’attention


Dans un monde saturé d’écrans, où l'on compte autant de nouvelles sorties en février qu'en juillet, ou n'importe quel mois de l'année d'ailleurs, le cliffhanger est devenu indispensable. Cette technique narrative capte l’attention, le téléspectateur a envie de dire au réalisateur « you wont get away with it ». Le cliffhanger est donc aussi un levier de rétention. Sur Netflix, Prime ou encore Max HBO, la fin ouverte pousse à enchaîner les saisons. Le cliffhanger prolonge le temps de visionnage, sert les algorithmes et maximise le succès au box office. Stallone qui commence l'histoire suspendu dans le vide, vaut autant en 30 secondes qu'en 2 heures de film. 


Optimiser l’engagement


Les séries suivent l'idée du roman feuilleton qui vient utiliser l'engagement du lecteur en le bloquant dans une situation incomplète. Dans une bande dessinée, un film, un podcast, une saison, la fin est retardée, pour renforcer l’impact et modifier l'attente du spectateur. Avant le streaming, cette technique aidait à vendre plus de DVD, et à favoriser la venue du public en salle de cinéma. Un public pour qui l'on poussait au max le suspens, en le faisant parfois attendre plus d'un an pour connaître le résultat d'une situation de cliffghanger. 


Sur YouTube ou TikTok, le cliffhanger est parfois masqué. L’algorithme repère les pics de tension. Même un short de 30 secondes respecte le code : coupure brutale, action inachevée, envie de cliquer. L’attention va de pair avec la récolte d'une donnée. 


Typologies, formats et temporalités du cliffhanger


Les grands archétypes de cliffhangers


La première, la révélation différée, où une action provoque une tension, mais l’information clé — l’identité d’un personnage, le mobile, le résultat — reste cachée. Ce cliffhanger est fréquent dans le cinéma, la série, ou le roman à chapitres courts. Il est souvent utilisé par Michael France dans l'écriture de ses scripts (Die Hard, où l'on suit un agent du FBI au bord du craquage). C'est aussi ce qu’il se passe dans le roman de Thomas Hardy A pair of blue eyes, ou dans le roman de David Foenkinos Deux sœurs


Puis le faux cliffhanger, qui consiste à utiliser l'attente, puis modifier le code du genre. Ici on crée une tension, puis on la désamorce brutalement. Un rebondissement n'est qu'un rêve, une illusion, voire une tromperie narrative. Utiliser ce procédé est parfois critiqué. Mais il est très présent dans le code des séries à twist, notamment dans la trilogie Gale Force ou certains films tournés par Ridley Scott.


Enfin, le cliffhanger au milieu du récit : Utilisé dans des séries comme celles avec Lily James ou Pierce Brosnan, ce choix permet de relancer l’intrigue au moment où l’attention pourrait faiblir. 


Cas particuliers : TikTok, mails, jeux narratifs


Sur TikTok, chaque seconde est cruciale. Un héros tend la main, la caméra coupe. Le spectateur, frustré, reste suspendu. La plateforme, via l’algorithme, favorise ces scènes qui créent de l’envie.


Les mails narratifs doivent utiliser la technique du cliffhanger en fin de paragraphe. Le but n'est pas de faire en sorte qu'une information passe mais que chaque mail soit consulté. Comme chaque tome de Blacksad, une bande dessinée publiée par Dargaud, ou chaque chapite de Tante Frida de Ludwig Thoma, ou A Pair of Blue Eyes de Thomas Hardy. 


Dans un jeu vidéo, qu'on appelle, le jeu narratif intervient souvent dans un deuxième niveau de lecture qui doit être uni au suspense. Il consiste à créer un état de tension, une falaise de la mort, puis à forcer le joueur à patienter.


Sherlock et le saut fatal


Dans la série Sherlock, la fin ouverte de la saison 4 a été longuement consultée par les fans et la critique pour y trouver un sens. L’attente crée une tension palpable, amplifiée par la maîtrise du code narratif britannique, qui maîtrise le téléspectateur. Cette suspension entre vie et mort rappelle la falaise de la mort dans le film Cliffhanger (1993), où Gabe Walker, incarné par Sylvester Stallone, est lui aussi une personne suspendue au bord d’une montagne vertigineuse. L’équipe de John Lithgow ou Michael Rooker dans Cliffhanger : Traque au sommet a bien compris que maintenir la frustration au sommet est un art.


Attack on Titan : frustration maximale


Le roman graphique et la série Attack on Titan utilisent la technique du cliffhanger pour maximiser la frustration et l’envie de connaître la suite. Chaque épisode ou chapitre se termine souvent sur un rebondissement dramatique : un héros en péril, une attaque soudaine ou une révélation choc.


Le cliffhanger dans le film Cliffhanger (1993)


Tourné dans des locations de haute montagne par Renny Harlin, ce blockbuster exploite la falaise comme métaphore de la suspension et du suspense. La scène finale, où le héros, Gabe Walker, est littéralement suspendu au bord du sommet, cristallise le nœud dramatique et la tension qui maintiennent le spectateur en haleine. Le titre original, utilisé comme code, est une définition précise du cliffhanger : un type de fin qui invite à suivre la suite, que ce soit dans une trilogie ou un feuilleton. La bande originale signée Trevor Jones accentue l’atmosphère de suspense, rendant hommage à ce procédé devenu un classique au cinéma comme à la télévision.


Créer un cliffhanger réussi : structure, timing et psychologie


Les ingrédients d’un cliffhanger efficace


Tension dramatique bien préparée


Un cliffhanger réussi repose avant tout sur une tension dramatique soigneusement construite. Que ce soit dans un film tourné en haute montagne ou un roman feuilleton, la clé est de tenir en haleine le lecteur ou le spectateur sans tomber dans l’artifice. Le procédé narratif consiste à suspendre l’action au bord d’un sommet métaphorique ou réel


Créer une attente légitime (et non manipulatoire)


Il est essentiel que l’attente créée soit légitime : le spectateur ou le lecteur doit aimer et comprendre la situation, et non se sentir manipulé. Le cliffhanger ne doit pas devenir une technique vide, ni une promesse non tenue, souvent associée au syndrome de la série annulée. 


Jouer sur l’identification émotionnelle du spectateur


Le cliffhanger puise aussi sa force dans l’identification émotionnelle du personnage central. Que ce soit un héros traumatisé ou un alpiniste chevronné comme John Long ou Wolfgang Güllich, il s’agit de plonger le spectateur dans la suspension de son sort. Cette tension fonctionne particulièrement bien dans les films ou séries où le rôle principal est incarné par des acteurs capables de transmettre cette émotion, tels que Michael Rooker, John Lithgow ou Janine Turner. 

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Ce qu’il faut éviter à tout prix


Le cliffhanger peut vite devenir contre-productif. La facilité scénaristique, ou cliffbaiting, est une erreur fréquente qui consiste à accumuler les fins ouvertes sans résolution réelle, pour tenir artificiellement le spectateur en haleine. Ce procédé finit par créer une lassitude et décrédibiliser la série ou le film, nuisant à sa réputation et à son succès critique


Cliffhanger & cognition : ce que révèle la science


Tension psychologique et besoin de clôture


Lorsque le spectateur ou le lecteur rencontre un personnage en situation critique, dans des contextes extrêmes, le cerveau encode cet état de suspens. Au cinéma, la tension créée par un cliffhanger agit donc sur le lecteur ou le spectateur comme une personne suspendue au bord d’une falaise de la mort métaphorique. Cette situation d’incertitude active des zones cérébrales impliquées dans la gestion du stress et de la frustration. Selon des études récentes, le cerveau humain cherche à résoudre cette dissonance narrative pour rétablir un état d’équilibre. Cette quête de clôture est comparable à l’instinct du héros dans un film, comme Gabe Walker et sa disparition tragique.