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Omniscient : sens, usages et incarnations modernes

Dans l’œil du narrateur : comprendre l’omniscience

Imaginez un narrateur avec quelque chose en plus, capable de tout voir, tout comprendre, tout connaître et cela sur tous les thèmes. Une perspective absolue sur chaque pensée, chaque action, passée ou à venir. Ce narrateur existe : c’est le narrateur omniscient. 


De L'homme qui rit de Victor Hugo, au manga Sleepy Princess in the Demon Castle de Kagiji Kumanomata, jusqu'à la série coréenne Omniscient Reader's Viewpoint de SingNsong, l’omniscience fascine. Elle donne au lecteur un pouvoir unique : celui de savoir ce qui va survivre à l’intrigue avant même qu’elle ne commence. Kim Dokja, personnage central du webroman est l'incarnation parfaite de ce lecteur au savoir absolu.


L'omniscience est une façon de porter tous les détails d'un récit à la lumière du jour. Un point de vue, un choix narratif qui façonne la réalité d'une histoire. Entre dieu et acteur, l’omniscient interroge notre relation au savoir.


Alors, prêt(e) à changer votre point de vue ?


Origine et définition du mot "omniscient"


Étymologie du mot


Le mot omniscient vient du latin omniscientia, un terme composé de deux éléments fondamentaux : omnis ou omni signifiant « tout » et sciens, du verbe scire, « savoir ». L’omniscientia signifie donc « capacité de tout savoir », un pouvoir absolu fréquemment associé à Dieu.


Définition littérale et lexicale


Le dictionnaire Larousse nous apprend qu'omniscient est un adjectif signifiant « qui sait tout ou paraît tout savoir ». On comprend donc que ce type de perspective narrative donne un pouvoir édifiant à l'auteur, au narrateur, et enfin au lecteur. 


Synonymes et nuances sémantiques


Si omniscient signifie « qui sait tout », on lui trouve des synonymes comme encyclopédique, érudit, universel ou savant. Pourtant, chacun de ces termes présentent des limites qu'omniscient transcende. Pour la narration, seul le point de vue omniscient permet de manier l’omniscience, opposé aux points de vue externe et interne.


Usages du mot « omniscient » dans la langue française


Emploi en tant qu’adjectif courant


L’adjectif omniscient peut être un synonyme de « monsieur-je-sais-tout », souvent pour désigner quelqu'un qui prétend avoir une connaissance absolue de chaque sujet, même les plus techniques.


On le retrouve aussi dans les médias pour qualifier des experts ou des auteurs dont la maîtrise semble dépasser le raisonnable : « Ce critique omniscient analyse chaque film, chaque série, chaque chapitre comme s’il les avait écrits. » 


Usage dans le contexte religieux ou philosophique


L’emploi du terme omniscient dans les textes théologiques désigne une entité suprême, dotée d’une omniscience absolue. Ici, l’omniscientia  est la capacité de tout savoir, de la première à la dernière chose susceptible d'arriver, dans le passé, le présent et le futur. Dieu ayant une omnipotence et une omniprésence totales. 


Cette idée traverse aussi les débats philosophiques, notamment chez Leibniz, Spinoza et Descartes, où la question de l’omniscience divine implique celle du libre arbitre


Si tout est déjà connu par une entité parfaite, sommes-nous vraiment libres d'agir ? 


Expressions et tournures dérivées


Dans la langue française, plusieurs tournures figurées ont émergé à partir du terme omniscient. 


On parle parfois d’un « air omniscient » pour décrire une personne dont le comportement laisse entendre qu’elle en sait plus que les autres.


Dans la littérature un auteur peut jouer avec le mot omniscient pour produire une mise en abyme du point de vue : « Il s’exprima avec la froideur d’un narrateur omniscient, déjà conscient de la fin du roman. » 


Le mot Oomniscient est plus qu’un simple adjectif : c'est un outil, un thème, une manière de penser une histoire, de construire un univers, et d’explorer la connaissance humaine sous toutes ses formes.


L’omniscient en littérature : du narrateur à la structure du récit


C’est quoi, un narrateur omniscient ?


Le narrateur omniscient désigne une voix narrative en position de surplomb, qui détient une connaissance absolue des personnages, de leurs pensées, de leurs motivations, ainsi que du passé, du présent et du futur du récit. On raconte donc à la troisième personne, ce qui permet une cohérence entre les événements et la structure du récit.


Dans des romans classiques comme ceux de Balzac ou Tolstoï, un narrateur omniscient permet d’utiliser des techniques de focalisation externe jouant avec le discours pour sortir du cadre du récit, mais aussi d’entrer dans l’esprit des personnages, à la manière de « l’œil de dieu ». C’est ce même procédé que l’on retrouve dans le webtoon coréen Omniscient Reader’s Viewpoint, où Kim Dokja, un employé banal, devient le personnage principal d’un webroman qu’il est seul à connaître, comme un auteur omniscient.


Rôle et effets sur le lecteur


Le narrateur omniscient joue un rôle fondamental sur le lecteur. Il instaure une autorité narrative, une puissance qui dépasse les limites humaines. Dans l’adaptation en live action de certains webtoons, comme ceux publiés par Pika Édition, on retrouve une omniprésence narrative, même si la focalisation semble initialement moins large.


Comparaison avec d’autres types de narrateurs


Le narrateur omniscient s’oppose à d’autres formes de narration, notamment le narrateur interne, qui raconte l’histoire à la première personne. Avec ce dernier, le lecteur est limité à une seule perception du monde, à travers une vie ordinaire ou originale.


Il existe aussi le narrateur externe, qui observe les personnages, sans connaître leur pensée. Ce style, plus objectif, repose sur la description des faits sans accès direct aux émotions. 


Toutefois, dans un webroman comme Trois façons de survivre dans un monde en ruine, la voix externe offre au lecteur une connaissance supérieure, le rendant capable d'anticiper l’histoire comme Kim Dokja le fait dans l’univers de Lee Min.


Certains récits hybrides adoptent une manière mixte, alternant entre les points de vue interne, externe et omniscient, selon le sujet, l’événement, ou la situation. Le résultat est une création littéraire plus originale, propre à explorer la réalité d’un personnage de trois façons, tout en conservant une structure cohérente.


Le narrateur omniscient reste un outil central de la littérature, un moteur narratif au pouvoir univoque, qui donne au lecteur la sensation de voir à travers les yeux de l’éditeur, ou de l’auteur lui-même. Ainsi, chaque mot possède un sens, chaque chapitre une fonction, et chaque processus narratif une raison d’être.


Représentations modernes de l’omniscience dans la culture populaire


Lecteur omniscient : un archétype narratif dans les webtoons et les romans


Dans la littérature contemporaine, le lecteur omniscient s’est imposé comme un archétype puissant, notamment dans les webtoons et webromans coréens. L’exemple emblématique est le roman de Sing Shong Omniscient Reader’s Viewpoint (souvent abrégé ORV) — traduit en français sous le titre Lecteur omniscient.


Kim Dokja n’est ni un dieu ni un héros traditionnel. C’est un unique lecteur, doté d’une capacité de tout savoir, contraint de survivre dans un monde où chaque personnage — de Lee Jihye à Lee Hyeonseong — répond à un scénario préécrit. Sa force ne réside pas dans l’action physique, mais dans la connaissance, le savoir narratif, la possibilité de modifier le code de l’histoire.


Sur la plateforme webtoon, cette série a été adaptée visuellement avec un casting charismatique et une mise en scène renforçant la dimension omnisciente du personnage principal. Chaque mot, chaque instant, chaque choix devient porteur de sens, l’œuvre jouant en permanence sur la limite entre réalité et fiction.


Adaptations audiovisuelles : séries et films


L'omniscience apparaît dans les adaptations audiovisuelles, donnant naissance à des séries et des films où le lecteur omniscient devient acteur du récit. La série Netflix "Omniscient", propose cette idée dans un monde futuriste où chaque personne est surveillée par un œil de dieu technologique. L’omnipotence est représentée par une intelligence artificielle, soulevant des questions philosophiques sur la liberté, le contrôle, et la connaissance totale.


Ce projet, qui mêle fantasy, science-fiction et action, questionne la capacité de tout savoir à travers une réflexion sur l'identité, la responsabilité et les façons de survivre dans un monde où tout est déjà écrit.


L’omniscient comme pouvoir ou malédiction


Si l’omniscient semble être le pouvoir parfait, la fiction en fait souvent une malédiction. Que ce soit dans ORV, dans la série "Omniscient", l’omniscience isole. Elle place le personnage dans une situation tragique : connaître l’issue de l’intrigue, les motivations cachées, les fins possibles, sans pouvoir empêcher le processus narratif.


D'autre part le motif du " not omniscient "— le narrateur ou lecteur qui croit tout savoir mais découvre qu’il ne maîtrise rien — sert à questionner les limites du savoir. Il devient le miroir de notre époque : hyperconnectée, saturée d’informations, mais désorientée pour l'avenir.


En somme, l’omniscient n’est pas tant un synonyme de puissance qu’un révélateur de fragilité. Qu’il soit employé comme technique littéraire, comme thème philosophique, ou comme code narratif, l'omniscient fascine, parce qu’il nous place face à l'impossibilité de discerner entre la liberté et la fatalité.