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Fanny et la comtesse

Consigne : écrire une scène érotique contenant une phrase extraite d'une oeuvre classique, piochée à l'aveugle. Ici, la phrase, de Musset, était : "Maintenant la bouche de la comtesse se promenait, lascive, ardente, sur le corps de Fanny. Interdite, tremblante, Fanny laissait tout faire et ne comprenait pas."

Fanny et la comtesse

Depuis dix jours qu’elle servait la comtesse, Fanny était satisfaite de son état. Elle craignait, au sortir du couvent où l’on avait fait son éducation, de connaître un pire sort.

Son père était décédé depuis longtemps, et sa mère s’était remariée. Son beau-père, Georges, un fermier qui s’était enrichi sous Charles X, était un homme bon, mais rude de mœurs et de manières – et guère généreux. Aussi la dot de Fanny, si jamais elle devait en avoir une, serait maigre, et il lui fallait travailler. Voilà ce que lui avait annoncé sa mère, Jeanne. Néanmoins, ni elle ni son beau-père n’étaient des gens sans cœur. Ils avaient veillé à ce que Fanny reçut une éducation rigoureuse.

Rigoureuse, elle l’avait été. Fanny avait grandi dans un couvent de vieilles femmes, revenues d’exil après la Confiscation. Elle avait été l’une des rares pensionnaires de cette bâtisse aux murs noirs qui se tenait, solitaire, au milieu de la plaine blonde, depuis un demi-millénaire. On y respectait la règle au mot près. Pour tout divertissement, il y avait un peu de tabac à priser, le dimanche, qu’apportait en douce le fils du paysan qui ravitaillait cette prison pour demoiselles. Et aussi quelques romans, que l’on lisait en cachette, le soir dans les cellules.

Fanny s’était longtemps demandé si sa vocation n’était pas de demeurer auprès du Seigneur. Mais sa mère, pourtant dévote, avait été effrayée à l’idée que sa fille devînt l’une de ces ombres lentes, ridées comme de vieilles pommes. Si les mères conçoivent souvent de la jalousie envers leurs filles, Jeanne s’était déjà trouvée cruelle de n’avoir donné pour tout horizon à Fanny que l’amour de Dieu – elle qui n’avait pas délaissé, même mêlés de honte, les plaisirs de la chair. Elle caressait aussi l’espoir que sa fille donnât naissance à un garçon susceptible de reprendre la ferme pour laquelle elle s’était tant battue.

Georges avait profité de cette situation pour placer Fanny, moyennant quelque transaction secrète, chez l’une de ses clientes, la comtesse d’Orval. La jeune femme, lorsqu’on lui annonça son nouvel emploi, avait ressenti un émoi inédit. Elle qui en était arrivée à porter le cilice et à se flageller une fois par semaine, parce qu’on lui avait assuré qu’il n’y avait d’amour qu’en Dieu, s’était sentie libérée. De petites larmes de joies avaient alors coulé sur ses joues rondes et bien dessinées.

Fanny, bien qu’elle l’ignorât, possédait un charme troublant, sans même savoir se farder. La comtesse avait dû lui en enseigner les rudiments. Elle ne pouvait, de toute façon, qu’être moins sévère que les nonnes. Et puis, chose étrange, elle ne se levait pas au point du jour, mais quand il lui seyait, après avoir lu tard, ou joué aux cartes avec une amie de passage.

Un soir, Fanny entendit la comtesse prise de gémissements inhabituels, de halètements bruyants. La servante s’approcha de la porte de la chambre. Un cri l’effraya. Sa main se posa sur la poignée, ne sachant pas si la comtesse était prise d’un mal, et si elle pouvait ainsi violer son intimité. Peut-être, elle aussi, était-elle à se flageller. Et si Fanny avait appris quelque chose au couvent, c’était qu’on ne perturbait pas une flagellation, si bruyante fut-elle. D’ailleurs, cette contrition ne s’accompagnait pas du bruit ordinaire des lanières qui claquent et fendent la peau. Mais enfin, elle ignorait tout du monde, et s’était convaincue, une fois le silence revenu, que la crise était passée.

Peu après, un matin, Fanny fut sonnée. Elle s’en vint apporter la collation à la comtesse. Ses cheveux roux et bouclés lui tombaient gracieusement sur les épaules, et formaient un parfait contraste avec sa peau de lait, ses lèvres naturellement écarlates, et ses yeux d’un vert sombre. Dénuée de toute vanité, elle n’avait pas conscience du scandale de ses formes, qui lui avaient immédiatement valu l’inimitié de la cuisinière, usée par quatre couches. Quand elle entra dans la chambre de la comtesse, une odeur sauvage, mais pas sans attrait, imprégnait les lieux. Elle s’approcha, plateau en main, du lit à baldaquin, aux tentures de velours rouge, mais il n’y avait personne.

Une voix douce tinta dans ses oreilles, juste derrière elle.

« Pose le plateau, Fanny. »

La servante, surprise, se débarrassa avec plus d’adresse que d’ordinaire, puis se redressa. La comtesse lui serrait la taille. Fanny restait immobile, figée, ne sachant si une correction l’attendait. Sa maîtresse entendait la soumettre à une autre espèce d’épreuve, semblait-il. Elle posa ses lèvres dans son cou. Fanny tressaillit, mais n’osa se dégager de la douce étreinte. En un mouvement, elle fut dépouillée de sa robe.

Maintenant la bouche de la comtesse se promenait, lascive, ardente, sur le corps de Fanny. Interdite, tremblante, Fanny laissait tout faire et ne comprenait pas.

Jusqu’à ce qu’elle vit sa toison disparaître, dissimulée par la chevelure brune et longue de sa maîtresse, qui parcourut son intimité de baisers délicats, explorant désormais sa petite fente charnue. Fanny se crut malade, incontinente, voulut retenir la comtesse en lui pressant la nuque. Mais tout à son trouble et craignant de froisser sa maîtresse, elle n’osait repousser ses élans. Un plaisir interdit commençait à s’élever au bas de son ventre, et même jusqu’à cet endroit honteux auquel une femme ne devait jamais, au grand jamais, penser.

Ses tremblements allaient croissant. La comtesse poussait de petits gémissements animaux, quoiqu’avec un raffinement curieux. Quelque chose de délicieux, en Fanny, brisa sa volonté. Elle éclatait et s’effondrait et s’écoulait tout en même temps. Une honte irrépressible la laissait sans force. Ses jambes ne la portaient plus. La comtesse la poussa sur le lit.