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Écrire la fin du monde

Consigne : écrire le récit d'un personnage face à la fin du monde.

Le coq - dernier jour

Vingt ans après, je suis de retour dans ce pays où j’ai souvent vécu effrayé, souvent caché sous le lit ou dans le placard. 

Je ne suis pas revenu par mon propre désir, mais parce qu’il le fallait. Quelqu’un devait se décider à refermer les blessures et je ne voulais pas laisser ce fardeau à la prochaine génération. 

J’ai jamais pensé que ce jour viendrait et je ne m’aurais jamais imaginé capable, mais la main ne m’a pas tremblé le moment venu et tout m’a paru simple. 

Puissent les êtres du futur me pardonner un jour, si la vie venait à renaître ici. 


Jours 2 : 

Le vieux n’y est plus. Ni Mercedes, ni son fils, ni tant d’autres que j’ai connus. S’ils existent quelque part, dans un autre univers, une autre dimension, j’aimerais qu’ils me fassent un signe. Ma solitude me pèse parfois. 

Je marche dans les rues desertes et il me semble voir au loin le vieux de dos et de profil en train de regarder la vitrine d’un magasin et d’y entrer. 

Evidement je l’appelle et je cours à sa rencontre, mais en arrivant tout est espace vide. Le magasin est bien là, mais pas sa présence, rien. 


Jour 3 : 

Parfois je marche beaucoup, à la recherche d’un indice ou d’une trace et le reflet du soleil sur la vitre d’une fenêtre qui bat me fait remonter une joie, un espoir, très vite déçu. 

D’autres fois, ce n’est pas la vue, mais il me semble entendre des rires ou des cris au loin. Alors je me précipite, déballe en courant les escaliers, je remonte les rues et je pense « le vieux est là » « il est revenu aussi » mais quand j’arrive essoufflé, je comprends que le bruit était produit par le grincement d’une porte que le vent faisait claquer. 


Jour 4 : 

Plusieurs sons me sont familiers et ressemblent à ceux que j’avais connus. Ça me rassure et même je les recherche furieusement. Je me suis surpris à les guetter. Pour finir je me suis décidé à placer des objets dans des lieux stratégiques de manière telle que, passé un temps, par distraction, je puisse me surprendre moi même et croire avoir aperçu Mercedes tourner au loin dans une rue ou le vieux de dos, assis dans un café. Alors le bruit d’une roue qui tourne me fait penser qu’il arrive à bicyclette. 

Ainsi je me suis fabriqué tout un dispositif de bruits et de reflets abstraits qui m’évoquent l’époque où le vieux était avec moi. Ce sont basiquement des chiffons, des portes, des fils, des roues, des billes. 


Jour 5 : 

Après tout, je ne suis qu’un coq. Un vieux coq qui a trop vu. J’ai survécu à plusieurs guerres et j’ai vu beaucoup d’atrocités. 

Et pourtant (je suis le premier étonné), l’envie de rire me prend encore. Une joie nait et grandit dans mon ventre et l’envie de faire une blague me gratouille. 

Alors je m’invente d’autres coqs et d’autres poules qui viennent m’écouter raconter mes histoires farfelues. Nous restons veiller jusqu’à tard et nous rions tous à nous rouler par terre jusqu’à la fermeture du bar. 


Jour 6 : 

Parfois je suis fatigué et l’idée d’en finir une fois pour toutes me tourne dans la tête. Mais en même temps, je sais que la fin n’est pas bien loin. Je regarde un nouveau coucher du soleil d’un balcon quelconque et je décide de m’endormir une dernière fois. 

Un étrange bonheur me remplit ce soir et flotte partout dans l’air.