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Guerre éclair

Consigne : La guerre d'un point de vue décalé

Guerre éclair

Ils ne sont que trois. Trois éclaireurs dissimulés dans la végétation à l’insu des guetteurs, à quelques centaines de pas seulement de la colonie. Ceinturés dans le funeste uniforme noir de leur tribu sanguinaire, ils observent leurs proies.

Dans l’indifférence de la garnison, un rayon de soleil inonde l’esplanade qui s’étend au pied de la citadelle. Une foule se presse devant les portes, laissant deviner une activité intense à l’intérieur de la cité. Les soldats de la colonie portent l’uniforme rouge, le plus approprié au camouflage dans cet environnement terreux. Au loin, des fourrageurs s’aventurent dans la forêt en quête de vivres. D’autres rentrent chargés de ravitaillement sous la surveillance des sentinelles.

La citadelle est imprenable. Mais la vie ne peut être contenue entre ses remparts. Il y a certes l’esplanade qui, reliée à la cité par un tunnel, protège les magasins de nourriture du soleil et des prédateurs. La colonie doit néanmoins s’approvisionner. Ses habitants savent que toute sortie se fait au péril de leur vie : leur subsistance est à ce prix.

Les éclaireurs ont dénombré les forces déployées sur l’esplanade et sous les murs de la citadelle. Déterminés, ils rentrent à leur base lever l’armée nécessaire à l’attaque de la cité. De retour à leur camp, ils rassemblent cinq centuries en un temps très court. Puis la colonne se met en route. Les éclaireurs ouvrent la marche. Ils sont suivis par deux rangs de sapeurs sélectionnés pour leur force et chargés d’ouvrir la piste. Ce sont les majors, une troupe d’élite également en charge de la protection de l’avant de la colonne. Les troupiers suivent en rang par quatre. D’autres majors ferment la marche et protègent les arrières de la troupe.

Arrivée à proximité de la citadelle ennemie, la colonne s’immobilise et se réorganise à l’abri de la végétation. L’assaut est imminent. Chacun se concentre sur sa mission. Un combattant sur deux ne sortira pas indemne du combat qui s’annonce. Mais aucun n’hésite. L’armée fait corps avec le commandement. La discipline est sa force. Chaque soldat est prêt à sacrifier sa vie pour la communauté. Les majors se regroupent et s’installent aux avant-postes. Au signal, ils se mettent en marche en direction de l’esplanade. Leur mission est d’ouvrir, avec leur puissant équipement, une brèche dans le remblai de terre. Quelques minutes leur suffisent pour pratiquer un passage. L’ordre est alors donné aux soldats de passer à l’attaque.

Les envahisseurs se heurtent à des forces puissamment armées. Les défenseurs tentent de contenir l’assaut tandis que les ouvriers se ruent dans le tunnel pour se replier sur la citadelle. Leur résistance est héroïque. Ils tranchent les membres, transpercent les ventres et n’hésitent pas à se jeter dans un corps à corps mortel. Les têtes des assaillants roulent au milieu de celles des défenseurs. Cependant, plus puissants et bénéficiant de l’effet de surprise, les attaquants fondent sur les ouvriers de la colonie et font un carnage.

Ils ont payé le prix fort : un tiers de leur effectif reste sur le champ de bataille, morts et blessés confondus. Les majors reprennent alors du service. Les uns se chargent des blessés capables de supporter le voyage du retour jusqu’au camp. Ceux-là seront soignés. Les blessés les plus sérieusement atteints et les estropiés sont abandonnés. Les autres majors se chargent des cadavres de leurs ennemis. Les assaillants survivants prennent bientôt le chemin du retour, sans se préoccuper de la présence de la gigantesque créature qui a observé et filmé l’attaque.

Assis sur son pliant, le biologiste K. Eduard Linsenmair rend compte dans son carnet de l’offensive victorieuse de Megaponera analis, la fourmi mangeuse de termites.