L’angoisse de la page blanche ne vient pas de nulle part. Nous subissons depuis l’enfance une pression écrasante dès que nous nous mettons à écrire...

...en raison du poids symbolique du mythe de l’Écrivain avec un grand E, de son Génie artiste… et des fautes de style qui nous attendent en embuscade au coin des lignes ! À cause de cette pesanteur, prendre la plume devient une épreuve de laquelle est bannie la légèreté, l’allégresse et la nonchalance – d'où : angoisse et page blanche…

Et pourtant, quand nous étions mômes, avant le collège peut-être, nous laissions aller le stylo au bon gré de sa fantaisie, dans nos journaux intimes, nos textes libres et farfelus, dans les histoires abracadabrantes et hallucinées qui remplissaient nos cahiers les jours de pluie…

Où est passé l’enfant qui savait si bien s’y prendre avec l’acte d'écrire parce qu’il en ignorait l’importance et s’en moquait comme d’une guigne ?

L’objet de cet atelier d’écriture est de retrouver cet état premier, cet « art de la joie », au cœur même de l’écriture, afin qu’il se déploie en soi et se communique ensuite aux lectrices et aux lecteurs. 

« L’art de la joie », l’expression peut faire songer au gros livre éponyme de Goliarda Sapienza. J’y vois plutôt un clin d’œil à cette joie, célébrée par Spinoza, qu’il oppose aux passions tristes qui nous racornissent et ratatinent l’âme…

J’y vois surtout l’enfant que j’étais, lequel jubilait de lire sa rédaction à voix haute, à ses petits camarades de CM2. Sous l’œil médusé, incrédule et hilare de mon instituteur, monsieur Dufresne, j’y racontais comment j’avais été enlevé par des extra-terrestres translucides et versicolores, le temps d’un week-end, avant d’être rendu à l’humanité et à mes parents, pour témoigner, le lundi matin, devant ma classe ébaubie et enthousiaste, de mon Odyssée minuscule et débridée…

L’art de la joie : ou comment retrouver la truculence de plume et la gourmandise d’écrire pour la transmettre ensuite à celles et ceux qui nous lisent !

Chaque semaine, un accompagnement aux petits oignons

Tous les vendredis, je vous enverrai les consignes d’écriture pour l’atelier de la semaine suivante. Ces consignes sont assez détaillées, sur plusieurs lignes, mais les enjeux déterminants sont soulignés de gras. Elles sont très souvent illustrées de références de textes pour celles et ceux qui veulent aller plus loin. Elles s’achèvent avec une petite note, synthétique et ramassée, un poil mystérieuse et rigolote, qui est comme un mantra, un pense-bête ou une boussole pour tenir l’exercice. 

Vous travaillerez votre texte pendant six jours, jusqu’au mercredi suivant. Astreignez-vous à chaque fois à me produire un texte de 1500 signes environ, grosso modo, — ça vous oblige car c’est important de ne pas trop s’écouter. Mais bon, je ne suis pas bégueule et comme on dit en boucherie, si ça dépasse un peu, mettez-le-moi quand même.

Vous me l’envoyez en format PDF. Mais attention, vous n’allez pas vous contenter d’écrire, vous allez le lire aussi ! Et me le faire parvenir sous un format oral.

Des retours pointus et affûtés 

Dans la foulée, toutes les semaines, après réception de vos textes et de vos lectures, je vous fais un retour bien détaillé. Là où ça marche et là où ça boîte ; là où ça marche un peu trop au pas cadencé, là où ça boîte si bien qu’on dirait que ça danse... !

Mes retours sont toujours à l’oral, à la fois individuels et collectifs. Je laisse à la classe et aux profs le soin des annotations dans la page. Moi, je préfère avec vous l’art de la conversation différée. C’est plus fluide, vivant, humain… Plus ample aussi qu’un commentaire… « Par sauts et gambades », disait Montaigne. Ça laisse plus d’interstices aussi, pour que la joie et la surprise déboulent à l’improviste…

Je vous proposerai aussi une contre-lecture de certains passages ou de tout le texte — on verra bien comme ça vient. Ça ne veut pas dire que je vous inflige une lecture qui s’oppose à la vôtre, rassurez-vous. Simplement, c’est une lecture proche de la vôtre, qui lui fait réponse, comme on dit dans le baroque, venue de ma voix, qui fera sonnailler votre texte autrement. Vous découvrirez, peut-être, alors ce que la plume transcrit à ses aises, à l’insu de la main qui la tient, une fois qu’on la laisse dire et écrire ce qui lui chante...

N'hésitez pas, si vous le souhaitez, à échanger vos textes avec les autres participants. Nous sommes un atelier, c’est donc un collectif de travail.

Des points d’étapes en visio

En plus des huit séances hebdomadaires (envoi des consignes les 20/06, 27/06, 04/07, 11/07, 18/07, 25/07, 01/08, 08/08), on se voit en visio à trois moments importants

Le jeudi 19 juin à 18h30, on démarre, par une première visioconférence pour briser la glace, faire connaissance et poser les bases des ateliers. 

Le mercredi 16 juillet, à 18h30, à mi-parcours, entre le quatrième et le cinquième atelier, pour faire un point d’étape, voir où vous en êtes…

Le mardi 19 août, à 18h30, pour clore notre atelier, quelques jours après mon dernier retour.

L’aboutissement : le TALC (« travail au long court »)

Le travail au long court (que dans notre jargon nous appellerons le TALC, car c’est dense comme de la pierre mais doux au cul de bébé) a toujours un train de retard par rapport aux attendus des ateliers. Mais c’est là son intérêt ; c’est qu’il se nourrit des retours pour produire un nouveau texte, plus précis, plus labouré du dedans. Vous y retournerez et le travaillerez après chacun des huit ateliers.

De quelle nature est le TALC ? À l’opposé des travaux hebdomadaires qui sont séparés les uns des autres, sans liens spécifiques, le TALC va prendre petit à petit la forme d’un texte unifié. Ce sera peut-être une nouvelle ou un court texte,  fusse-t-il un essai mordant, une enquête, une fiction ou un documentaire, d’une dizaine de feuillets, ou de 10 000 signes. Vous connaissez ma philosophie qui est l’autre nom du principe du boucher : je prends tout, même ce qui dépasse…

Le résultat, c’est que le TALC, comme exercice continué, porte en son sein chacun des éléments qui ont été explorés à chaque atelier hebdomadaire, de telle sorte qu’il est en quelque sorte, in fine, le compendium des recettes, savoir-faire et tournemains de métier qui ont été délivrés au gré des ateliers. C’est son premier intérêt. 

Son second intérêt, c’est que l’articulation et la combinaison des tournemains n’est surtout pas une addition ou un empilement cumulatif. Sinon, la dimension narrative ou discursive du texte final disparaîtrait, ce qui serait triste et moche. Par conséquent, cela implique que vous tordiez, trituriez, biffiez, biffuriez, gommiez, palimpsestisiez, contourniez, caviardiez et contrefassiez votre propre texte, l’essoriez et le désossiez, et compreniez ainsi qu’écrire ne craint pas le repentir sauf à devenir un triste sabir. Et que vous découvriez aussi que cette bouillabaisse tripatouillée est elle-même source d’une jubilation de pataugeoire et de mare aux canards.

Telle est aussi la joie, autant dans le fond du texte que dans la méthode de production, qui emprunte plus à la bricole du plombier (et à son sourire épanoui) qu’au génie inspiré (et à sa morgue platonicienne).

(Page mise à jour le : 21 mai 2025)