Écrire un roman bref

Il faut l’admettre une bonne fois pour toutes : un roman digne de ce nom ne doit pas nécessairement comporter plus de cent pages. Un roman bref, c’est un roman, ni plus ni moins. Un roman tout court, la densité en plus. La Chute, d’Albert Camus, Passion simple, d’Annie Ernaux, Fou de Vincent de Hervé Guibert ou encore Lanzarote de Michel Houellebecq sont de ceux-là. Sans compter tous ces grands écrivains qu’une instance floue aura un jour classés, sans bien être à même de justifier pourquoi, dans la catégorie d’auteurs de « grosses nouvelles » : Maupassant, Kafka, Borges.

Chacun sa foulée, ce n’est pas la quantité qui fait la crédibilité en littérature. Nous ne sommes plus au dix-neuvième siècle où la notion de loisirs n’avait pas encore été inventée et où il fallait, en conséquence, occuper le lecteur. Ce qu’il faut préserver à tout prix, dans cette vaste foire (braderie ?) aux mots qu’est devenu le monde depuis l’avènement de la communication et des réseaux sociaux, c’est, plus que jamais, la phrase. L’expressivité, la sensibilité, l’intelligence, l’exigence de la phrase. En d’autres termes : le style, ou le ton. Un roman, court ou long, c’est d’abord une voix singulière. C’est à une voix que le lecteur s’attache avant même de s’attacher à une intrigue. Et c’est de l’authenticité de cette voix que naîtra son intérêt pour l’intrigue, et non l’inverse. 

Et puis il y a tout le reste, bien sûr : un sujet, des personnages, un enjeu narratif, une structure, un mouvement, un dénouement. L’atelier que j’anime propose aux participants, en dix séances, de s’essayer aux caractéristiques variées du roman (incipits, descriptions, dialogues, multiplication des points de vue, etc.) sans jamais perdre de vue l’essentiel : composer des phrases qui ne ressemblent qu’à vous-même en partant en guerre contre les expressions convenues et autres réflexions prêtes à l’emploi. 

Que du bon dans le concis : qu’on se le dise !